L'engagement, prise de risque et source de changement

L’engagement est un sujet qui m’interroge. Il est de plus en plus souvent au cœur de nombreuses séances, chez les jeunes comme dans le discours des adultes… « Je souffre que mon amoureux ne veuille pas s’engager », « je n’arrive pas à trouver une passion, une activité dans quoi m’engager » et encore plus chez les ados : « je n’arrive pas à m’engager dans les études », « je vais m’engager dans l’armée »…

Moi-même dans ma pratique je m’interroge sur mon engagement personnel, sur mon engagement professionnel, sur les émotions qui jaillissent de la rencontre avec mes patients, avec l'autre, différent de moi. J’ai conscience de la difficulté d’articuler le respect de l’autonomie de la personne avec le principe de bienfaisance, c’est-à-dire faire pour le bien-être de quelqu’un.

J’ai toujours veillé jusqu’alors, au cours de ces quelques années de psychologue clinicienne, à replacer l’individu au cœur des décisions le concernant, fidèle au code de déontologie de ma profession.  Nous rejoignons les médecins dans un sens quand ceux-ci prônent le serment d’Hippocrate où dans certains cas « mieux vaut s’abstenir que nuire ». Mais à condition que ce ne soit pas un renoncement d'usure, comme on trouve dans le burn out : dépité d'avoir trop donné de sa personne, ou de ne pas être à la hauteur de l'engagement qu'on attend de lui, le déprimé abandonne le navire et avec lui l'équipage...

Plus qu'une parole, l'engagement serait une promesse...  non pas aliénante, mais de bienveillance envers l'autre et envers soi-même, prise de risque et source de changement.

C’est dans cette optique que j’ai commencé à écrire ce blog, boîte à outils, dans laquelle vous piochez à votre gré des conseils, des résumés de lecture, des récits de vie, des billets d’humeur, autant d’éléments issus de mon expérience professionnelle, à la croisée entre le partage de littérature scientifique et l’évolution de ma pratique, elle-même issue de la rencontre avec mes patients dans un cadre clinique, et de mon engagement humain envers eux avec son lot de subjectivité constamment questionnée.

S’engager…  examinons d’un point de vue lexical :  c’est se mettre à la disposition de quelqu’un, ce qui suppose être serviable, altruiste (ou pseudo-altruiste), donner de soi, de son temps, engager des dépenses, engager son cœur, aimer… s’engager montre le degré de responsabilité, partir dans une direction, relever un défi, engager un combat, une lutte, défendre une cause, avoir une mission, mettre son honneur en gage, et à l’extrême c’est sacrifier jusqu’à sa vie.

Le degré d’engagement dépendra donc de la ferveur de vivre… au plaisir simple d’exister… il y a donc toute une palette d’émotions derrière ces engagements humains. Tout comme on dit qu’il y a de sombres motivations ou de beaux desseins… et derrière l’intention de s’engager, on trouvera l’influence du vécu, de l’environnement familial, social… la présence ou non de facteurs protecteurs, comme le sentiment de cohésion.

De plus en plus de jeunes souhaitent se mobiliser, pour faire « bouger les choses ». J’entends les adultes aussi se demander, impuissants face aux actes de terrorisme, « Quoi faire ? Oublier ? Être fataliste ? Combattre ? Tout faire pêter ?» Nombreux refusent la passivité, et souhaitent agir pour les autres, certes, mais désirent œuvrer pour être fier de soi, le plaisir de faire des choses ensemble, de développer de nouvelles compétences, tout cela dans un but utile, aux autres et à soi-même.

Aux parents, enseignants, d’accompagner ces jeunes pour trouver l’association, le projet qui leur permettra de s’épanouir, d’apporter leur petite ou grande contribution, au sein d’un groupe, d’un cadre bienveillant. Et comme un modèle est plus efficace qu’un engagement dans des explications… on sait combien une discussion peut tourner à la lutte de savoir, donc de pouvoir… et au conflit stérile parfois violent moralement… aux parents de montrer l’exemple, de se mobiliser, s’engager à la hauteur de ce qu’il peuvent, sans culpabiliser si la manière lui semble modeste, que ce soit au sein de son entreprise, dans son quartier, auprès de ses proches, en faisant attention à conserver sa joie de vivre, et sa santé.

Je souhaite conclure ce billet avec Paolo Coelho, écrivain brésilien nommé Messager de la Paix pour les Nations Unies en 2007, conseiller spécial pour le dialogue interculturel et les convergences spirituelles auprès de l’Unesco, et ce joli texte extrait du Manuel du guerrier de la lumière, vendu à plus de 135 millions d’exemplaires dans le monde.

« Un guerrier de la lumière n’est jamais lâche. La fuite peut-être une excellente méthode de défense, mais on ne peut y recourir quand la peur est vive. Dans le doute, le guerrier préfère affronter la défaite puis soigner ses blessures – car il sait que, s’il fuit, il donne à l’agresseur un pouvoir plus grand que celui qu’il mérite.

Dans les moments difficiles et douloureux, le guerrier assume sa position d’infériorité avec héroïsme, résignation et courage. »

NB : je remplacerai "résignation" par "acceptation", car être résigné suppose un "non" caché, un sentiment de victimisation, de défaite molle, alors qu'accepter est à mon sens plus vivant, c'est "consentir sereinement à un état de choses contre lequel on ne peut rien" (Denise Desjardins, Petit traité de l'émotion), et sous-entend qu'on peut garder son dynamisme dans une autre direction...

Bibliographie :

https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-internationaux-de-psychologie-sociale-2009-1-page-115.htm

http://www.studyrama.com/vie-etudiante/s-engager-dans-une-association-etudiante/etudiants-pourquoi-s-engager/journee-mondiale-du-benevolat-les-jeunes-sont-ils-prets-a-s-engager

La ferveur de vivre, Jacques Salomé, Albin Michel, 2012