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Patricia DELATTRE - Psychologue

Psychologue clinicienne pour enfants, adolescents et adultes - Cabinet : 18 rue Creton 80000 AMIENS - Tél. : 06.34.23.89.18 - Mail : patricia.delattre@yahoo.fr

Faire confiance à notre nature, complexe, et saisir l’opportunité quand elle se présente

Faire confiance à notre nature, complexe, et saisir l’opportunité quand elle se présente

Parfois vous me parlez de votre mystérieuse intuition : je sens que c’est le « le bon moment », « ça devait se passer ainsi ». Vous employez surtout ces expressions quand le coup de foudre amoureux s’abat sur vous, mais aussi pour désigner la magie d’une amitié, ou bien encore une rencontre déterminante pour votre parcours professionnel. Il y a quelque chose de soudain, un choc, après coup on entend votre surprise d’en être encore marqué.

La science, la psychologie et la physique quantique, éclairent cette question mystérieuse mais pas si mystique, de quoi réconcilier les terres à terre et les fleurs bleus… à la bonne heure ! Parce que vous parlez bien tous de la même chose quand vous abordez la question des synchronicités qui jalonnent votre vie, c’est juste que vous avez un éclairage différent sur des événements bien réels. Tous ces points de vue peuvent converger pour expliquer que rien n’arrive par hasard.

Alors je me suis penchée sur la lecture de cette pépite de J.-F. Vézina, trouvée au hasard de mes recherches, il date de 2011, je l’ai zappé à l’époque, peut-être suis-je aujourd’hui un peu plus raccord avec le titre, « les hasards nécessaires ». Ce livre reprend avec une plume légère,  toutes les dernières avancées de la pensée moderne sur des sujets comme la théorie du chaos et des attracteurs.

Comme le soulignait en avant-propos Michel Cazenave, producteur à France culture de 1977 à 2009, la synchronicité est un concept très ancien. Les philosophes grecs avant même Aristote s’y intéressaient déjà. Ils l’appelaient le Dieu Kairos, dieu de l’opportunité, qu’il faut saisir quand il passe.

L’homme s’est donc posé de tout temps pour tenter d’expliquer le rôle des coïncidences dans les relations, rencontres « par hasard » à des moments très précis de notre vie.

Qu’est-ce qui nous prédispose à de telles rencontres bouleversantes ? Qu’est-ce qui fait que notre existence s’en trouve modifiée ?

François Vézina nous propose d’explorer tel un voyage initiatique, les « rencontres-chocs » qui permettent l’émergence d’un éveil spirituel.
Capables de nous transformer, ces rencontres sont souvent vécues sous influence de nos émotions, comme une incitation, voire une injonction, à bouger, à nous mobiliser pour emprunter une autre voie mais sans nous garantir de la météo ! Voilà c’est bien le hic, que mettez-vous dans votre valise si vous ne connaissez pas les conditions climatiques ?

C’est ainsi, quand bien même nous sommes attentifs et ouverts au changement, il faudra essuyer des échecs et surprises agréables, fort heureusement, pour nous pousser à regarder la réalité en face, de plus près.

Tout est lié… Depuis Newton, les physiciens sont formels : l’univers est en majeure partie imprévisible, créatif et chaotique. Il est donc vain de vouloir une vie lisse, puisque l’ordre et le désordre s’arrangeront toujours pour s’équilibrer, comme en témoignent les fractales dans la nature, comme la feuille de bruyère ou le chou romanesco.

Le mathématicien Mandelbrot du département de recherche d’IBM a modélisé ce phénomène : 

 

L’harmonie se trouve dans la Répétition, la Complexité et la Fracture.

C'est pourquoi je vous ai schématisé ce que j’ai cru comprendre laugh Ce schéma fonctionne assez bien pour aborder nos épreuves de vie avec un juste recul yes

Concrètement, quelle est l’application dans notre vie personnelle de ce concept ?

Le Kairos est bien difficile à saisir puisque nous restons libres de changer et d’agir quand nous le souhaitons. Dans le domaine médical, Hippocrate avait compris qu’il est parfois crucial pour le médecin de saisir le moment où la santé bascule vers une décompensation si l’on veut intervenir pour que le patient reste en vie.

Les artistes peintres connaissent bien aussi ce ressenti : la touche finale doit être posée au bon moment, sinon, un coup de pinceau en trop et oups ! Le tableau est gâché. En art-thérapie, le patient découvre alors des facettes de lui-même, un côté « cheval fougueux » à retenir, un trop plein de générosité, ou un perfectionnisme un peu trop poussé, dans cet exemple.

J.-F. Vézina explique que nous répétons les rencontres avec des personnes du « même type » que nous, selon notre besoin d’être rassuré, qui nous rappelle notre histoire. En effet, ma dernière formation en thérapie InterPersonnelle basée sur l’Attachement, montre que selon notre type de relation affective dans notre enfance, qu’il soit sécure, ou insécure, ou bien encore si nous avons connu un type d’attachement à l’autre ambivalent, pire désorganisé, alors nous attirerons des personnes qui nous permettrons de répéter le même type de relation, soit épanouissante, compliquée, voire toxique… Mais ce n’est pas une fatalité, il y a la résilience, cette capacité à se relever après un ou des évènements stressants. La dépression se manifeste ainsi, par l’impression tenace que rien ne changera en mieux, alors que la nature est complexe. Il suffit de trouver le levier pour lever le voile noir de la mélancolie, et réduire l’impact négatif de l’évènement douloureux sur notre bien-être et nos relations. Vous connaissez sans doute les travaux de Boris Cyrulnik. Il a vulgarisé le processus de deuil, et expliqué au grand public quels étaient les facteurs de protection face au trauma. J’y reviendrai dans un autre article.

Et oui, tant que vous n’avez pas évolué, tant que vous n’avez pas modifié des aspects de votre tempérament, guéri de vos blessures psychologiques et effectué des petits ajustements ici et là dans votre vie quotidienne (pour cela, le psychologue peut être fort utile ;-), alors l’univers conspire pour tenter de provoquer une ou des prises de conscience ! C’est bien là encore un des motifs de consultation : « mais pourquoi donc au diable, suis-je encore en train de répéter ce même scénario et vivre les mêmes drames ?»

Nous pouvons faire l’autruche, par peur du changement, crainte de sortir de notre zone de confort, et alors nous refusons de voir les « signes », ou les interprétons de manière négatives. Cela explique pourquoi, par exemple le manque d’estime de soi d’une personne l’empêche de laisser entrer dans sa vie une autre, au point d’additionner ruptures sur ruptures.  A contrario certains vont guetter les moindres indices du destin et s’agiter ici et là, tel un bon petit soldat déployant toute une panoplie de stratégies pour réussir là où peut-être il faudrait renoncer… alors forcément ça ne marche pas non plus et la confiance en soi se dégrade. Le processus du burn out au travail peut aussi se schématiser ainsi.

Qu’on soit dans l’excès, dans le sens de l’inertie ou de l’activisme, qu’on se dise conservateur ou libéral, vous aurez compris : ni l’excès de précaution, ni l’évitement, ni même la fuite en avant et son cortège de confiance aveugle en des lendemains meilleurs ne produiront de changement heureux… L’excès d’ambition accélère la chute, inévitable d’une entreprise… Tout comme il y a peu de chance de parvenir à un équilibre si vous ne progressez pas et ne faites pas d’effort pour vous engager, et saisir ce qui est peut-être une nouvelle opportunité d’améliorer les conditions de votre bonheur. Vous prenez alors le risque de vous étioler, et certains me confie, bien tristement, avoir le sentiment de mourir à petit feu enfermé dans une confortable routine.

Puisqu’il ne peut y avoir de recette du bonheur, vous ne le trouverez pas non plus dans un grimoire de chamane, fut-il/elle un(e) sorcier(e) des temps modernes…  Tout de même, vous pourrez vous inspirer des rituels des uns et des autres. Voyager, échanger avec votre entourage, ça sert à cela, à nous défaire de certaines idées qui ne sont que des préjugés, issus d’un manque de connaissance, d’ouverture sur le monde. Les rites sont culturels, propre à une personne ou un groupe, un pays, mais ils ont quelque chose d’universel : ce sont tous des moments charnières, ils scandent, comme une comptine pour enfant, comme le refrain d’une musique apaisante, rassurante et entrainante. Ils ouvrent la voie vers des lendemains heureux.

Notre nature humaine est ainsi faite, c’est un maillage complexe et créatif comme par exemple le pattern des carrés de faïences portugaises, les azulejos, qui ornent les temples et maisons au Portugal.

 

La dynamique de vie est ainsi faite de ces rendez-vous attendus avec plaisir comme la raclette entre amis après une randonnée en montagne, comme les premières fraises du jardin et tous les cadeaux de la nature rythmée par les saisons… Il est des années où elles arrivent un peu plus tôt, ou un peu plus tard… mais la « grande » surprise viendra peut-être d’un autre jardin : ailleurs, le jardinier aura planté des baies de mai, plus acidulées, et vous voilà en appétit pour un nouveau type de fruits, si toutefois vous aimez la nouveauté.

La fascination que l’inconnu opère en nous fait évoluer notre personnalité explique J.-F. Vézina. Elle nous ouvre au monde. Le « bon timing » ou « saliency » selon William Sulis, psychiatre et mathématicien à l’Université mac Master de Toronto. Cet expert en intelligence collective (on dit aussi « dynamique des archétypes ») a montré que les hommes savent s’organiser naturellement pour atteindre une destination, un sens commun, vers la création, la vie.

Comme les oies qui optimisent de 71% leur performance en volant en équipe, en V : elles se remplacent régulièrement à la tête, pointe du V pour se reposer à tour de rôle et avoir la fierté chacune leur tour d’avoir conduit le groupe à bon port. La solidarité et le sens de la coopération est naturel. Chez l’être humain aussi ! Pour exemple, les spermatozoïdes vont s’entre-aider pour parcourir l’équivalent à notre échelle de 6kms de nage et permettre à l’un d’entre eux d’arriver jusqu’à l’ovule !

Parfois, il arrive que l’homme soit « un génie individuel, mais un idiot collectif », comme l’a montré le généticien et philosophe Albert Jacquard.

Il a montré aussi que si le changement apparait comme trop chaotique, alors l’homme est capable d’amorcer un mouvement dans sa vie pour sa survie. N’est-ce pas ce qui tendrait à se produire avec le phénomène des gilets jaunes ? Ne serions-nous pas allés si loin dans le changement, qu’une Répétition de décisions politiques, coupées de sens pour une grande partie de la population, a provoqué un mouvement contestataire, et que de cette Fracture, naturellement en train de se produire, comme stratégie de survie, est en train de naitre l’idée d’un grand rassemblement, un débat citoyen avec toute sa Complexité ? Cet apparent chaos est en train de fournir un point d’équilibre stable (pattern). Il ravive l’envie de co-construire ensemble notre avenir, de prendre le temps de nous concerter, de nous unir au quotidien, d’échanger des services, partager des conseils dans le voisinage et entre amis, animer la vie du quartier, favoriser les rencontres autour des enfants, des loisirs, des arts, de la culture et du patrimoine.

Alors, chiche ! Si nous faisions confiance à la complexité de la nature ? Et si nous saisissions l’opportunité quand elle se présente, de faire ce qui nous semble bon, beau et bien, en fonction de nos valeurs, celles qui font écho à nos battements de cœur et pas seulement à nos principes, parfois un peu trop rigides ?

Il y a « des hasards nécessaires »… Rester attentif à notre ressenti émotionnel et corporel, prendre le temps de réfléchir, s’entourer de conseils pour garder une éthique, rompre avec nos habitudes, prendre les bonnes initiatives, avec force et sagesse, peut favoriser un retournement de situation, une fracture avec une ancienne façon de voir et de faire, propice au renouveau, au progrès.

Je vous laisse philosopher avec cette jolie métaphore reprise par l’auteur : n’ayons pas peur des grains de sable… « Laissons les évènements de vie nous polir, comme un grain de sable dans un coquillage. Progressivement entouré de nacre, cet intrus indésirable pourra se transformer avec le long passage du temps en une perle étincelante ».

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